Parution initiale dans Christus n° 9 (janvier 1956).

Le problème des illusions qui peuvent se glisser dans la recherche des mortifications et dans le désir de souffrir n'est pas nouveau. La tradition spirituelle n'a pas attendu les données de la psychologie des profondeurs pour appliquer sur ce point les méthodes du discernement des esprits. Amené à se prononcer sur les restrictions que les judaïsants voulaient réintroduire dans l'usage des aliments (« Ne prends pas, ne goûte pas, ne touche pas »), saint Paul déclare : « Ces sortes de choses ont le renom de sagesse, avec leur culte volontaire, leur humilité, leur mépris du corps ; en réalité, elles ne servent qu'à contenter la chair » (Col 2, 21-23). Il dénonce donc déjà la satisfaction déguisée que goûtent certains mortifiés qui ne sont pas menés par l'Esprit. Dans la première épître à Timothée, il met son disciple en garde contre ceux « qui interdisent le mariage et qui prescrivent de s'abstenir d'aliments créés par Dieu, pour que les fidèles, ceux qui ont reconnu la vérité, en usent avec action de grâce », car, poursuit-il, « tout ce que Dieu a créé est bon, et il n'est rien qui doive être rejeté de ce qu'on prend avec action de grâce ». Il recommande alors la modération dans les mortifications et l'exercice de la piété. « Tandis, en effet, que l'ascèse corporelle n'a qu'une minime utilité, la piété est utile à tout et possède la promesse de la vie, de la vie présente et de la vie future » (1 Tm 4, 3-8).

Sans nous arrêter à faire l'exégèse de ces textes, remarquons simplement que devant des obligations qui visaient à interdire l'usage du mariage et de certains aliments, saint Paul a marqué fermement le caractère illusoire des mortifications qu'on voulait imposer aux chrétiens et la bonté de l'usage des créatures dans l'action de grâce. Quand on évoque l'insistance qu'il met à demander aux disciples du Christ qu'ils mortifient la chair et ne se laissent pas aller à leurs convoitises (cf. Ga 5, 24), on est frappé de constater que, pour lui, il y a une mortification qui, menant à la satisfaction de la chair, est directement contraire au renoncement dans le Christ Jésus et qu'il y a corrélativement un usage des objets « avec action de grâce » qui est l'expression même d'un renoncement à la satisfaction de la chair, trouvée dans certaines façons de se mortifier.

Ces vues pauliniennes ont marqué la doctrine des grands spirituels. La psychologie des profondeurs ne les contredit pas, bien au contraire. Nous allons voir qu'avec ses méthodes propres, elle découvre des illusions dans certaines conduites de mortification, aussi bien d'ailleurs que dans certaines formes de satisfaction, mais qu'en même temps, elle dévoile la vérité d'une abnégation dont l'exigence s'inscrit déjà au niveau du désir humain.

Le sens du masochisme

La clinique met en évidence